Pour Fernand Arsenault,
Professeur Émérite
en Sciences religieuses

 

 

 Éloge à la personne humaine

 

J'ai l'agréable tâche de vous signaler quelques raisons qui nous ont incités, Denise Lamontagne et moi, à présenter la candidature de Fernand Arsenault pour le titre de Professeur Émérite. Plusieurs voudraient sans doute revendiquer le privilège de faire l'éloge de cette personne admirable, tant il en est qui l'ont connue, côtoyée, aimée. Pourtant, je prétends n'usurper les droits de personne puisque j'agis à titre de collègue de plus de 23 ans, de doyen qui lui a succédé, et surtout, à titre d'ami. Je ne serai peut-être pas assez bref au risque d'atteindre à sa modestie, mais en revanche, je serai vrai. Cette dernière qualité, celle de la vérité, Fernand nous l'a laissé en héritage comme un des signes indélébiles de son attachante personnalité. En toute circonstance, Fernand a davantage le souci d'être vrai que de paraître convenable.

Deux petits détails ont retenu mon attention lorsque j'ai voulu parcourir le curriculum vitae de M. Arsenault, à la recherche de quelques faits marquants qui donneraient un peu de substance à un hommage que l'on voudrait spontané comme une poignée de main, authentique comme la boucane de Bas-Cap-Pelé. La première et la dernière ligne de son curriculum portent les marquent d'une signature : la signature de Fernand Arsenault. La première ligne s'inscrit ainsi: MON Curriculum Vitae. J'en ai vu passer des CV dans mes fonctions; c'est la première fois que je note la présence de l'adjectif possessif. Mais ce trait distinctif signale plus que la possession: il renvoie à l'idée de personne humaine qui se profile derrière le document : une personne unique, différente, reconnaissable entre toutes les autres personnes de la terre. Voilà MON Curriculum Vitae: je ne suis pas un autre; je ne suis pas anonyme, je ne suis pas personne, je suis une personne. Fernand mérite qu'on le considère comme il a toujours considéré les autres: comme des êtres uniques, comme des créatures originales, grouillantes de vie, de beauté, de qualités humaines.

Et le document se termine par la reconnaissance à ceux et celles qui l'ont aidé à accomplir son oeuvre: l'Être suprême d'abord, puis ses confrères de la congrégation de Ste-Croix, ses collègues de l'Université en qui il fonde tant d'espoir, sa compagne de vie, Ghislaine, et le trésor de leur procréation, Jean-Pierre.

Acte de foi en la personne humaine en ouverture, acte d'humilité et d'espoir en guise de fermeture. Entre la foi en l'Homme et l'espérance en l'humanité, se trouve la charité, le lieu de l'action. Et c'est là le parcours de sa vie et la synthèse de son oeuvre.

Fernand Arsenault réunit, à mon sens, toutes les qualités requises pour mériter le titre de Professeur Émérite: il a professé sa discipline avec compétence et dévouement, il l'a fait progresser par ses activités de recherche et il a joué un rôle crucial comme bâtisseur de l'université et architecte rénovateur de la Faculté des arts.

Ils sont nombreux les thèmes que l'on voudrait aborder pour souligner son oeuvre. Qu'il s'agisse de sa contribution à la vie canadienne, à la vie religieuse ou à la vie sociale, son oeuvre est immense. Mais chaque fois, ce n'est pas la cause que Fernand embrasse : c'est la personne qu'il y a derrière la cause. On pense à ses coups de coeur pour la personne atteinte du sida, la personne aux prises avec des désordres de la santé mentale, la personne emprisonnée, la personne à la recherche d'emploi, la personne pauvre, la personne jeune, la personne âgée. En réalité, il est peu de secteurs de l'activité humaine où l'empreinte de cet homme charitable et généreux ne s'est pas imprimée de manière indélébile.

Même à la retraite, il s'est engagé dans un long combat pour aider les démunis et les sans travail à retrouver la dignité. C'est pourquoi aussi il a souvent dénoncé, dans ses écrits et ses discours, l'inertie des pouvoirs publics, et l'incapacité des technologies nouvelles à assurer aux jeunes les emplois auxquels ils aspirent, aux malades du sida, la santé, aux démunis, le minimum vital, aux personnes âgées, la dignité, aux mal aimés, la fraternité, aux oubliés, la compassion.

Mais ce soir, étant donné la nature de l'honneur qu'il reçoit, il me permettra de passer sous silence plusieurs de ses actions pour souligner davantage son rôle d'éducateur comme promoteur des arts, comme humaniste et comme administrateur.

 

L'artiste

À l'Université, Fernand Arsenault s'est distingué comme étant un fervent défenseur des formations dans les domaines artistiques. Sans doute jugeait-il ces disciplines plus fragiles, plus menacées dans un contexte de compressions budgétaires. Toujours est-il que son oeuvre dans ce domaine est inestimable. Maintenir des disciplines comme l'art dramatique, la musique et les arts visuels, dans le contexte actuel, tient du miracle et M. Arsenault a toujours su trouver les mots justes et les bons arguments pour convaincre ses supérieurs et son entourage de la nécessité d'encourager les formations dans le domaine des arts dans notre milieu.

Mais son implication pour les arts ne se limitait pas à un rôle de fonctionnaire ou d'administrateur. Il assistait à tous les lancements, visitait toutes les expositions et voyait tous les spectacles. On se demandait toujours où il prenait le temps d'être partout à la fois. Il avait à coeur d'aller voir les exercices de fins de sessions de manière à se rendre compte par lui-même du progrès des étudiants de sa Faculté. En outre, il était de toutes les discussions, forums, débats, colloques traitant des sujets proches au domaine des arts. Enfin, il a réalisé des projets fort ambitieux toujours dans le but de donner aux jeunes artistes le loisir d'exercer leur art dans des conditions de plus en plus acceptables. Il était conscient que notre responsabilité, comme éducateur, ne se limitait pas à donner la formation donnant accès à la vie professionnelle et au marché du travail mais que nous devions avoir le souci de créer les conditions d'insertion au monde du travail et à la vie communautaire.

 

L'humaniste

Gaspésien d'origine, Acadien d'adoption, grand Canadien par conviction, Fernand Arsenault était avant tout un homme de l'Univers dont la conscience s'étend bien au-delà des frontières. Ce dernier mot ne doit d'ailleurs pas faire partie de son vocabulaire. Pas plus qu'il ne pourrait tolérer de clôture autour de son clos, il ne conçoit la planète comme un territoire morcelé laissé en pâture à l'instinct d'appropriation des uns contre les autres. Sur le plan matériel, cette conscience planétaire a fait de Fernand un écologiste soucieux de l'environnement et grand défenseur de notre Planète Terre, comme il se plaît à dénommer l'espace commun. Sur le plan humain, elle en a fait un humaniste profondément attaché aux valeurs de l'esprit, du partage, de la paix et de l'entraide.

À l'Université, cela s'est traduit par un souci particulier à bien accueillir les étudiants et professeurs étrangers. Aller à la découverte de l'autre semble avoir été le slogan qui a guidé sa vie et sa carrière d'universitaire. À l'échelle du continent, son engagement planétaire s'est manifesté par un choix politique sans équivoque en faveur d'un Canada uni, mais dans le respect des différences et des particularités. Sur un plan plus global, ses idées, ses valeurs et ses convictions ont trouvé un écho dans son implication dans des organisations internationales, notamment à l'AFELSH (Association des Facultés et Établissements de Lettres et Sciences Humaines) où il a défendu avec insistance et conviction les projets de collaborations Nord-Sud. L'AFELSH étant un réseau institutionnel de l'AUPELF-UREF, Fernand Arsenault en a été membre du comité exécutif pendant de nombreuses années. Des projets de colloques, d'Université d'été et de filière de formation ont vu le jour sous son influence, souvent au profit des universités moins nanties du continent africain.

 

L'administrateur

Éducateur avant tout, professeur et chercheur, rien ne le destinait à assumer des tâches administratives pour lesquelles en générale les universitaires entretiennent une certaine indifférence. Pourtant, conscient du rôle qu'il pouvait jouer à ce niveau, Fernand Arsenault n'a pas hésité à siéger au sein de plusieurs comités universitaires importants, à assumer la direction du Département des sciences religieuses et à accepter les fonctions de Doyen de la Faculté des arts pour une période de neuf années consécutives. Cette dernière fonction lui a permis de donner ou d'ajuster l'orientation des formations dans les disciplines artistiques et relevant des lettres et des sciences humaines. Philosophe de l'optimisme, cartographe de nos ambitions, ethnologue de nos traditions, historien de nos racines, poète de nos états d'âme, artiste de nos rêves, Fernand avait toutes les qualités requises pour animer une Faculté aux multiples facettes comme la nôtre.

Si, durant les premières années de son mandat, il a pu bénéficier d'une situation financière passablement stable, il fut contraint, durant les dernières années comme Doyen, de gérer la misère. Il a su le faire avec sagesse et douceur, apparemment sans nuire à l'essentiel, c'est-à-dire à la qualité des programmes et des formations offerts dans sa Faculté. Grand communicateur, maniant avec subtilité et adresses l'art de convaincre, il a su mobiliser les gens derrière lui pour traverser les périodes difficiles. Je peux témoigner qu'il a laissé une Faculté en bon ordre au moment de son départ. Petit de taille, Fernand Arsenault fut néanmoins un grand Doyen.

Quelqu'un a avancé l'idée qu'il y avait trois sortes d'administrateurs : l'artiste, l'artisan et le technocrate. De toute évidence, Fernand Arsenault se classait dans la catégorie des artistes. C'était un bâtisseur de ponts, un rêveur, un idéaliste dans le sens noble du terme, un initiateur de projets, un idéateur qui n'hésitait pas à s'investir totalement pour atteindre les objectifs qu'il s'était fixés. Qu'il suffise de signaler deux de ses plus belles réalisations pour comprendre ce qui l'animait comme administrateur : la création du pavillon des beaux-arts pour permettre aux musiciens et aux artistes de recevoir une formation dans des conditions optimales et la fondation du Quatuor à cordes Arthur-Leblanc dont il contribue encore aujourd'hui à assurer la survie, grâce à son dévouement, dans un contexte qui est loin d'être facile.

Cet administrateur-artiste qui jouissait de l'estime de ses collègues et de tout le personnel de la Faculté, était également très proche des étudiants et étudiantes qu'il affectionnait particulièrement. Il les connaissait tous et avait à coeur de se souvenir du prénom de chacun et de chacune. Il cultivait particulièrement leur contact, assistait généreusement à leurs prestations et les accueillait, tel un bon père, tel un parfait éducateur, pour les conseiller, les encourager, leur insuffler des énergies nouvelles. Durant sa dernière année comme doyen, il fut désigné personnalité de la semaine par l'Acadie Nouvelle et la Société Radio-Canada en Atlantique. L'article faisant état de cette nomination était coiffé d'un double titre hautement évocateur pour définir le personnage : «Fernand Arsenault, marchand d'optimisme / Le dernier droit du doyen-copain». C'était en effet deux aspects de sa personnalité, son indéfectible optimisme et son sens aigu des relations humaines qui ont fait de lui un administrateur efficace et apprécié.

Mon cher Fernand, j'ai le goût, pour finir, de te renvoyer les formules souvent employées par toi et qui, dans d'autres bouches, paraîtraient des clichés.
Santé et Paix ! C'est ainsi que tu signais toutes tes lettres, même les plus anodines.
Je t'envoie des ondes positives ! Tu en as tellement données que tu mériterais d'en recevoir un peu.
Il faut mettre de l'humour là-dedans ! C'est ainsi que tu nous sortais des situations les plus difficiles.
Et enfin,
Fernand, tu es une personne extraordinaire !

Cet homme plein d'énergie dont l'oeuvre se poursuit sans relâche, cet homme au coeur grand comme la planète mérite bien que l'on vous prie, Monsieur le Recteur et au nom du Sénat académique, d'élever au rang de Professeur Émérite M. Fernand Arsenault

 

Zénon Chiasson

 

Le 14 mai 1998


Fernand Arsenault honoré par
l'Université de Moncton

« PROFESSEUR ÉMÉRITE DE SCIENCES RELIGIEUSES »

En plus d'être membre de la «gang à Cléo et Yvonne» Fernand possède le Diplôme en commerce et le Baccalauréat ès arts de l'Université St-Joseph, le Baccalauréat en théologie de l'Université de Montréal, le Baccalauréat en sciences sociales de l'Université Laval, ainsi que la Licence et le Doctorat en théologie de l'Université Grégorienne de Rome.

Au cours de ses deux mandats comme doyen de la Faculté des arts, Fernand a réussi à doter la Faculté des infrastructures dont elle a besoin, notamment une salle de spectacle et un pavillon des beaux-arts. Le Quatuor Arthur Leblanc est fondé, le premier programme de troisième cycle est crée, le Doctorat en études françaises.

Fernand s'est démarqué par son humanisme et son dévouement pour les questions sociales et le développement des arts et de la culture. Les thèmes abordés dans ses recherches, conférences et publications s'orientent pour la plupart vers les besoins de la communauté, les questions acadiennes et la place de l'Église dans la société d'aujourd'hui.

Très engagé, Fernand représente, ABPPUM au Conseil des gouverneurs pendant quatre ans et milite au sein de la Société des Acadiens et Acadiennes du Nouveau-Brunswick. En 1985, il préside un Colloque international sur la paix.

Fernand est élu à la vice-présidence de l'Association internationale des facultés ou établissements de lettres et sciences humaines, et à la présidence de l'Association des doyens des arts, des lettres et des sciences du Canada.

Fernand a reçu plusieurs reconnaissances au cours de sa carrière. En 1989, il devient Chevalier de L'Ordre français des Palmes académiques pour son dévouement à la cause francophone et, en 1997, il reçoit un Certificat d'excellence du Conseil des arts du Nouveau-Brunswick pour son engagement dans la promotion des arts et des lettres.

(Le Journal L'Étoile, 20 mai 1998)

P.S.!!

Dépêché sur les lieux, le représentant de la «Gang à Cléo et Yvonne» a pu croquer sur le vif, et ainsi immortaliser Fernand dans le costume d'apparat que Ghislaine lui avait confectionné avec amour pour l'événement. On le sent d'ailleurs très ému et presque «transfiguré» !

Bravo Fern !

Nous sommes tous fiers de toi ! Nous sommes assurés que tu deviendras quelqu'un quand tu seras grand !

Avec affection;

Tes collègues de la « Gang à Cléo et Yvonne »