La
santé mentale: cest mon affaire !
Malgré tous les progrès que nous avons réalisés
dans tous les domaines de la science et des technologies, un nombre de
plus en plus grand denfants, dhommes et de femmes de tout
âge et de toute condition se retrouvent chaque jour victimes de
ce terrible fléau que sont les maladies mentales. Le mal de vivre
brise de nos jours lélan vital denviron 20% de la population
et force un nombre croissant de personnes, très souvent surdouées,
à quitter leur travail, à se perdre dans les drogues ou
à trouver dans le suicide le remède à leurs grandes
souffrances.
Comment pourrions-nous contribuer à guérir ce mal de vivre,
cette souffrance affreuse qui empêche tant des nôtres de réaliser
leurs rêves, dapporter leur contribution à la société
? Jean Vanier, qui vit depuis de nombreuses années en communauté
avec des personnes atteintes de maladies mentales, nous affirme que ces
personnes «sont parmi les plus opprimées et les plus rejetées
de notre monde».
Dans les paragraphes qui vont suivre, jaimerais proposer deux avenues
qui me semblent porteuses de lumière: la première, investir
davantage dans la recherche et la formation en santé mental; la
deuxième, lancer un vaste mouvement populaire afin daider
les personnes atteintes de maladies mentales à retrouver leur dignité
et leur place dans la famille humaine.
Recherche
et formation en santé mentale
Nous devons dabord travailler ensemble à convaincre nos députés
et nos gouvernements de lurgence dinvestir davantage dans
la recherche et dans de solides programmes de formation en psychiatrie,
en psychologie, en soins infirmiers, en service social et en personnel
de soutien. Nous avons besoin dun personnel plus nombreux et encore
plus compétent en santé mentale. Cest urgent ! Lorsquon
vit de près lagonie des victimes de maladies mentales et
lessoufflement du personnel rattaché à cette importante
dimension de la santé, on na pas besoin dinsister sur
lurgence de ce premier objectif.
Promotion
de la dignité et de la solidarité humaine
La science joue un rôle irremplaçable pour alléger
les souffrances causées par la maladie mentale. Elle ne pourra
pas, cependant, améliorer notre goût de vivre à moins
que chacun de nous apporte sa contribution aux efforts généreux
de tous ceux et celles qui travaillent en santé mentale. Cest
toute la famille humaine qui est atteinte dun grave problème
de santé mentale. Ce que nous trouvons sous une forme concentrée
chez les grands malades se retrouve sous une forme plus diffuse chez lensemble
de la population.
La grande souffrance des personnes atteintes de diverses formes de psychose
provient largement de cette insatisfaction qui nous ronge tous, à
des dégrés divers, tant que nous navons pas réussi
à découvrir que nous avons une place bien à nous
dans la société, que nous portons quelque chose dunique
en chacun de nous qui nous rend digne damour et qui nous unit à
tous les autres membres de la famille humaine.
Les hommes et les femmes du monde entier, quelque soient leurs talents,
leurs maladies ou leurs handicaps, sont toutes et tous des cellules inséparables
et indispensables dun seul et unique univers vivant. La science
et les grandes traditions philosophiques et religieuses nous le démontrent
de plus en plus clairement. «Nous nous appartenons les uns aux autres,
nous sommes faits les uns pour les autres. ... Liés ensemble dans
la même famille des nations, nous sommes tous responsables les uns
des autres» (Jean Vanier).
Savoir
regarder lautre avec amour et compassion
Lêtre humain est fait pour le bonheur. Ce bonheur se trouve
dans la capacité daimer. De très nombreuses personnes
se meurent de ne pas être aimées et de ne pas pouvoir aimer.
Sa Sainteté le Dalaï-Lama, dans la pure ligne de lenseignement
de lÉvangile et de Teilhard de Chardin, nous propose un moyen
simple et efficace pour vivre dans la paix et le bonheur: développer
lhabitude de regarder chaque personne rencontrée, quelque
soit sa culture, ses idées, son niveau social ou ses handicaps,
avec bonté, avec émerveillement et compassion.
En agissant ainsi, nous signifions à cette personne quelle
est porteuse dune beauté et dune parole unique. Nous
lui disons quelle est importante pour nous et pour lhumanité
et quelle est appelée à jouer un rôle que personne
dautre ne peut jouer à sa place. Imaginons la révolution
que nous pourrions lancer dans le monde si nous développions cette
façon de voir les personnes, les communautés culturelles
et les divers pays de lunivers ! Les personnes avec un handicap
intellectuel ou les personnes victimes de maladies mentales ont un énorme
besoin de se faire dire, dans des paroles ou des attitudes, quelles
sont importantes et que nous avons besoin delles. Leur grande souffrance
cest de se sentir isolées, exclues, inutiles pour la société.
«Si je mourais, je serais un débarras pour tout le monde
!» Que de fois jai entendu ces paroles dans la bouche de personnes
atteintes de maladie mentale. Sous les blessures et les handicaps de chacun
de nous se cache une beauté et une richesse qui nattend quun
regard de compassion et damour pour se manifester et donner ses
fruits.
La
santé mentale, cest mon affaire !
Tout en encourageant nos gouvernements à investir davantage dans
la santé mentale de nos populations, impliquons-nous dès
maintenant pour que les personnes victimes de maladies mentales puissent
sortir de leur tunnel infernal et déboucher dans la lumière.
Engageons-nous dans cette révolution humaine qui transformera nos
familles, nos villes et villages en de véritables communautés
où la dignité de chacun de ses membres et la solidarité
seront les garanties de la paix et du bonheur de tous. Le goût de
vivre et la santé mentale, cest mon affaire!
Fernand
Arsenault
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