Sais-tu que toi aussi,
tu as besoin de moi ?


« Détourne de moi tes yeux, dit Dieu, tu me rends fou d’amour»!
Le Cantique des cantiques, 4.9-10.

De nombreux contacts avec des personnes aux prises avec différents handicaps m’ont convaincu que nous devons prendre conscience, nous les humains, que nous avons tous quelques lacunes à surmonter pour améliorer les communications entre nous et humaniser notre société. Et les handicaps non visibles sont souvent plus difficiles à surmonter que les visibles. Je m’adresserai donc à vous, à toi en particulier, en cherchant à exprimer ce que bien des personnes avec un handicap souhaiterait nous communiquer.

Je veux commencer par te dire merci, merci à toi qui souhaite m’aider à relever les défis que rencontre une personne avec un handicap physique ou intellectuel. La meilleure façon de le faire c’est de travailler ensemble pour qu’il y ait un peu plus de justice, de respect et de solidarité entre tous les membres de la famille humaine. Tu aimerais te rapprocher de moi! Je le vois, je le sens très bien. Mais tu te sens gauche, maladroit. Ne t’en excuse-pas! Je te comprends. Je suis tellement différent de toi, au premier abord… Mais le plus beau c’est que c’est vrai! Nous sommes différents, tous différents et uniques! Et c’est là notre richesse! C’est ce qui est excitant!

Tu ne sais pas trop comment m’aborder, de quel sujet parler! Alors, tu passes souvent à coté de moi en me traitant avec mépris, parfois avec pitié ou en faisant semblant de ne pas me voir. Pourtant, toi et moi, nous aurions tant de richesses à partager. Tu sais, tu ne seras jamais pleinement toi-même, sans ma contribution. Je veux, moi aussi, comme toi, prendre ma place dans la famille humaine. Je veux et je dois apporter ma part pour que ce monde devienne plus humain, plus juste, plus solidaire. Pour y arriver, j’ai besoin de toi comme tu as besoin de moi. Alors, trouvons ensemble le moyen de nous apprivoiser, comme dirait le Petit Prince de St Exupery.

La première chose que je nous suggère, si nous voulons vraiment nous rapprocher, nous aider, c’est de nous appliquer à nous voir, à nous regarder avec bonté, avec compassion et surtout, surtout avec émerveillement ! Sans cette énergie qu’est l’amour, on ne voit jamais la beauté unique d’une personne, d’un animal, d’un paysage.

Si tu commences à croire en moi, à me regarder avec amour, j’apprendrai alors à m’ouvrir, comme une fleur. Je découvrirai peu à peu ma propre dignité et je laisserai monter en pleine lumière toute la beauté que la Vie a déposée en moi. Tu en seras émerveillé! Des écailles tomberont de tes yeux et tu découvriras, toi aussi, cet être unique et merveilleux que tu es. Dans mes nombreux moments de silence et de solitude, j’ai appris cette grande vérité. Des sages, des savants et des mystiques m’ont fait saisir que nous sommes, toi et moi, chacun de nous, une facette unique d’un immense et merveilleux diamant, l’univers!

Cette facette que je suis, que tu es, a la mission de refléter la Source de toute lumière, de toute beauté d’une façon qui lui est propre et qui enrichira toutes les autres facettes et tous les éléments du cosmos. Alors, tu comprends, ne laisse pas mon handicap te cacher ce foyer d’énergie que je suis. Un seul clin d’œil de ma part rend Dieu follement amoureux de moi! nous dit le grand livre de la Bible. Alors, pour qui te prends-tu, toi, pour me voir comme un handicapé, un rejeté de la société. Ton handicap à toi est peut-être moins visible que le mien mais il n’est pas moins réel. Reconnais que nos infirmités, nos manques sont plutôt des ouvertures vers l’autre, des forces qui nous attirent et nous rendent interdépendants, solidaires.

Alors, tu vois, lorsque tu me rencontres, n’essaie pas de cacher ton malaise dernière ton masque d’autosuffisance, de spécialiste qui sait tout! Approche-toi, tranquillement, avec respect, humilité et simplicité, comme si tu entrais dans une cathédrale, comme si tu étais à quelque pas du pôle magnétique de la Vie. Ne sois pas trop vite en affaire. Cultive chez toi la patience. Apprends à me regarder, à m’écouter sans chercher à me changer, à me manipuler.

Dis-moi, lequel de nous deux est le plus normal? Si nous travaillons ensemble, nous deviendrons vrais, tous les deux. Tous les deux nous deviendrons capables d’aimer, capables de contribuer à l’édification d’un monde plus humain, plus juste et plus solidaire pour le bonheur de tous. Viens! Mettons-nous tout de suite au travail! Entraînons les autres, tous les autres, dans cette merveilleuse aventure! Ça presse! Ça presse!


Fernand Arsenault,
En hommage à ses amis et amies du Centre Habiletés Sud-Est, Cap-Pelé, N.-B.